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Lettre de Elie Arnaud a un ami Monsieur Bornes, resté à Montarnaud.
Kompong-Thom le 6 novembre 1926 midi 24 heures soir 5h du matin à France.
Mon cher monsieur Bornes.
Vous voudrez bien m'excuser d'avoir un peu tardé à vous écrire.
Ce n'est pas l'exès de travail qui m'en a empêché, c'est le manque de temps, Pensez donc, il faut employer cinq heures par jour aux apéritifs.
Je suis maintenant à Kompong-Thom. C'est la brousse. La province de Kg-Thom borde le Cambodge du côté du Siam sur une très longue étendue de terrrain.
Je me plais beaucoup dans ce pays. Comme un pays de chasse, il doit être unique au monde, on y trouve à l'état sauvage, tous les animaux de la création, le lion excepté, éléphants, buffles, tigres, panthères, ours, élans, cerfs, sangliers, chevreuils, singes, et tout le menu gibier d'Europe).
Aussi fait on des chasses magnifiques car il n'est pas besoin d'aller bien loin pour chasser ses animaux, on les tire parfois à 100 m de la caserne. Ainsi, lundi matin, nous sortîmes trois ; dans deux heures de chasse nous tirâmes neuf cerfs et un sanglier.
Une chasse bien intéressante et pas fatigante, c'est la chasse en plein sur éléphant dressé, nous y allons de temps en temps il y a six éléphants à la résidence. Vous entendriez alors les belles fusillade. C'est un plaisir vraiment royal.
Quel dommage que Kompong Thom soit si loin de Montarnaud, je vous inviterais à venir faire une partie de chasse.
Quant au poisson, cela dépasse l'imagination ; le volume du poisson doit presque égaler dans le fleuve(le Syoug Seu), le volume de l'eau. L'an dernier, on fit, aux basses eaux exploser une cartouche de dynamite dans le lit du fleuve : on faillit empoisonner tous les riverains. La quantité de poissons tirés par l'explosion, était, paraît il, fantastique.
On reste rêveur, quand on songe aux facilités de la vie dans ces pays ci.
L'indigène ne travaille que deux mois par an un mois pour les semailles et un mois pour la moisson du riz.
Le cambodgien n'a besoin de rien; Il cultive pour sa consommation où bon lui semble. Pour garnir sa table, il n'y a qu'à arracher quelques crins à la queue de son cheval pour prendre du gibier, et il n'y a qu'à plonger sa main dans un ruisseau pour avoir une friture.
Pour quelques plumes d'oiseaux, qu'il a abattu avec une flèche, le chinois lui donne une sampoth (grand mouchoir de couleur, que les indigènes nouent autour de laceinture). C'est l'unique pièce de son costume.